Chaque cimetière du Commonwealth recèle des secrets qui suscitent la curiosité et qui méritent d’être étudiés.
Celui d’Estaires, le Estaires Communal Cemetery And Extension ne fait pas exception.
Dans ce cimetière, deux sépultures sortent du lot, il s’agit de deux hommes qui appartenaient au Royal Welsh Fusiliers et qui sont morts le 22 avril 1915. Quoi d’étonnant pour un régiment ayant participé à la bataille de Neuve-Chapelle en mars 1915 d’avoir des hommes enterrés à Estaires le 22 avril 1915 ? C’est qu’ils sont morts sous les balles britanniques !
En effet, alors que le régiment tenait les tranchées dans le secteur de Zandvoorde, une violente attaque allemande s’y est produite. Le choc fut tellement violent que la confusion régna. Ainsi ces deux soldats, Albert Troughton et Major Penn se firent arrêtés pour désertion devant l’ennemi.
Le Royal Welsh Fusiliers a pris part à la première bataille d’Ypres (batailles de Langemarck et de Gheluvelt), durant laquelle elle a subit d’énormes de pertes, le régiment a été mis à l’arrière les mois qui ont suivis pour être reformé. Il a reprit les combats en mars 1915, à la bataille de Neuve-Chapelle.
Après avoir été retrouvés, les deux soldats n’ont pas été enfermés immédiatement, ils ont été remis dans les rangs pour être arrêtés plus tard.
Albert Troughton était originaire de Foleshill dans la banlieue de Coventry (Warwickshire, West Midlands), il s’était enrôlé au Royal Welsh Fusiliers en 1911. Lors de l’assaut, il dit avoir entendu l’officier dire « Chacun pour soi » et avait vu beaucoup de ses camarades se faire tuer.
Major Penn était originaire de Stourbridge (Worcestershire, West Midlands). Engagé à 17 ans au Worcestershire Regiment, il a intégré plus tard le Royal Welsh Fusiliers. Comme Albert, il a été retrouvé errant sur le champ de bataille.
Personne du régiment n’a pu corroborer leurs dires, les 2 hommes ont été jugés et condamnés pour désertion, il est fort probable que les personnes ayant pu le faire soient mortes ou prisonnières lors de l’attaque car les pertes étaient terribles : 270 de leurs camarades furent mis hors de combat en 20 minutes. Douglas Haig a confirmé la sentence : l’exécution.
Je n’ai trouvé aucun document situant exactement le lieu d’exécution, mais étant donné leur présence dans le cimetière d’Estaires, il est fort probable qu’ils aient été arrêtés et exécutés dans le secteur. Ils sont les deux premiers soldats du régiment à être exécutés (il y en a eu 15 en 14-18)
Durant son incarcération, Albert Troughton a écrit une dernière lettre à sa famille. Elle a été envoyée par un gardien malgré l’interdiction. Après avoir sommeillée dans la maison familiale, elle a resurgie et a été publiée.
DEAR Mother, and Father, Sisters and brothers,
Just a few lines to let you know I am in the best of health and hope you are mother.
I am sorry to have to tell you that I am to be shot tomorrow at 7am in the morning of 22nd April.
I hope you will take it in good part and not upset yourself.
I shall die like a soldier, so goodbye mother, father, sisters and brothers, if any left. Remember me to Mr Kendall and them who knew me.
Mother I am very sorry nothing happened to me at Ypres.
I should not have went away and then I might have stood a good chance of being still alive, but I think they are paying the debt at the full rate.
I thought the most they would give me would be about ten years.
It is worse than waiting to be hung.
I hope you got my letters which I sent you while waiting for my court martial.
It seems that something told me I would be shot, so I think the time has come for me to die. I am only a common soldier and all civilians should know that I have fought for my country in hail, sleet and snow.
To the trenches we have to go.
All my comrades have been slaughtered which I think everyone should know.
When our regiment was captured, the Colonel loudly strained "Everyone for himself but on and on I fought and got clear of the German trenches.
This is the punishment I get for getting clear of the Germans.
I have wrote my last letter to you all at home, so mother don't be angry with me because I have gone to rest, and pray for me, and I will pray for you.
Remember me to Mr Newbold and tell him about it.
I have been silly to go away but if you knew how worried I was, and almost off my head. Think how we had been slaughtered at the beginning of the war.
You think they would have a bit of pity for those who are living and dying for their country.
Goodbye to all at home.
Goodbye, Goodbye.
On peut voir son portrait ICI
306 sur 346 soldats de l’armée britannique exécutés en 14-18 ont été réhabilités en 2006. Dans notre secteur, certains cimetières contiennent les corps de certains d’entre eux. Leurs histoires feront l’objet d’études par l’association:
Richebourg : Le Touret Military Cemetery and Le Touret Memorial où 8 soldats exécutés sont commémorés sur les plaques du mémorial.
Richebourg : Saint Vaast Post Military Cemetery où repose E. Beaumont du 2ème Leicestershire Regiment (24/06/1915)
Laventie : Royal Irish Rifle Gaveyard où repose Oliver W. Hodgetts du 1er Worcestershire Regiment (04/06/1915)
Sailly-sur-la-Lys : Canadian Cemetery où reposent W. Smith et G.A. Irish du 2ème Rifle Brigade (04/10/1915)
Vieille-Chapelle : New Military Cemetery où reposent H. Crimmins et A. Wild du 18ème West Yorkshire Regiment et J. A. Haddock du 12ème York and Lancashire Regiment. (05/09/1916 et 16/09/1916)
Bois Grenier : Y Farm Military Cemetery où reposent A. Davids, W.P. Harris et F. Boos du 1er Cape Coloured Labour Regiment (1919), condamnés pour meurtres.
Fleurbaix : Lance-caporal Peter Sands du Royal Irish Rifles, qui a déserté le 1er mars 1915, a été exécuté à Fleurbaix le 15 septembre et inhumé à côté de l’église. Son corps a disparu et il est commémoré à Souchez au Cabaret Rouge British Cemetery
Laventie : Issac Reid du Scots Guards, a été fusillé le 9 avril 1915 à Laventie pour avoir déserté à la bataille de Neuve Chapelle. D’abord inhumé au cimetière communal, son corps a été déplacé au Longuenesse Souvenir Cemetery