Cette étude permet de montrer que grâce aux seuls actes de décès de la ville de Bourges pour la période de 1914 à 1925, on peut découvrir ce qu’il s’est passé dans la ville et dans le département pendant et après la guerre.
Dans le cadre de mes recherches sur les morts pour la France du département du Cher, j’ai découvert dans ces documents une multitude de fils conducteurs qui allaient me conduire vers des sujets tous aussi passionnants les uns que les autres ! En voici un petit aperçu, chacun de ces sujets mérite un plus long développement.
Des hôpitaux militaires
Ce qui permet une telle étude, ce-sont les hôpitaux militaires déjà présents à Bourges lorsque éclate la guerre et ceux créés face à l’afflux de blessés à soigner.
Le plus ancien et le plus important était l’hôpital Militaire Bodens qui, en service de 1879 à 1997 pour traiter les cas épidémiologiques, passe de 208 lits à 646 en juillet 1918, répartis en 12 pavillons de part et d’autre d’un bâtiment central. Aujourd’hui, cet ouvrage fait l’objet de travaux en vue de la fabrication d’un « éco quartier » par le Conseil Général du Cher. (Voir photos pendant la guerre et aujourd’hui dans le diaporama)
Durant la Guerre, Bourges comptait environ une vingtaine d’hôpitaux, temporaires complémentaires, auxiliaires… Un premier dépouillement des actes de décès permet de mettre en évidence que 1351 soldats français qui y sont morts (voir la liste au format Excel) une seconde recherche devrait permettre de combler quelques oublis)
Des soldats allemands soignés à Bourges
52 actes de décès de soldats allemands ont été établis principalement en 1914 pour 47 soldats identifiés et 5 inconnus (voir la liste au format Excel) à l’hôpital militaire et l’hôpital temporaire n°28. Les corps de ces soldats ont été inhumés dans le cimetière de Saint Lazare à Bourges, une trace de leur présence en mars 1929 figure sur un plan du cimetière. Il ont été enterrés dans deux carrés, l’un au Sud-Est, le second au Nord-Ouest. Lles tombes sont barrées sur ce plan fixant leur rapatriement antérieure à 1929.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des corps se trouvent au cimetière allemand de Nampcel (Oise) (voir photos dans le diaporama)
Des travailleurs de tout horizon, venus en masse.
Avant la guerre, Bourges était déjà une cité industrielle dans laquelle étaient installées beaucoup d’usines métallurgiques de construction d’armement (canon d’artillerie) et munitions d’artillerie. Naturellement, les besoins en armements et en hommes pour combattre l’ennemi se sont faits rapidement sentir, il a été fait appel à une main d’œuvre étrangère, il en est de même pour l’agriculture.
Des dizaines de milliers de travailleurs sont donc arrivés à Bourges, et beaucoup d’entre eux y sont morts de maladie, d’accident, de heurts…
Les actes de décès permettent d’identifier certains de ces groupes de travailleurs. Les informations concernant leur nationalité et leur nombre sont difficiles à déterminer, mais le résultat de ma recherche est que :
Les Nord-africains, étaient employés dans les établissements militaires et autres chantiers, ils auraient été 1200 à Bourges en 1918. Leurs provenances sont diverses : Algerie (15 actes); Maroc (5 actes) ; Tunisie (8 actes). La plupart sont issus de recrutements, d’autres, sont venus illégalement, par leurs propres moyens.
les Portugais et Espagnoles (14 et 2 actes) ;
les Amnamites (8 actes);
les Tonkinois (6 actes);
les chinois (12 actes) ;
les serbes (2 actes);
les travailleurs désignés « coloniaux » sans plus de précisions (14 actes).
les Russes (3 actes)
Leur encadrement et leur intégration dans la population semblent avoir été très difficiles : nombreuses sont les affaires de mœurs, rixes, vols…
Concernant les travailleurs autres que les coloniaux, comme les Portugais ou Espagnols, ils sont issus de campagnes de recrutements par l’état français dans leurs pays respectifs.
Sur un plan plus large, en France, les travailleurs Européens représentent environ 225 000 personnes. 37 000 Chinois sont issus de compagnies concessionnaires, 140 000 Chinois amenés avec les troupes britanniques, localisées dans le Nord de la France.
La présence du corps américains.
En 1917, les Etats Unis entrent en guerre contre l’Entente et envoient un contingent dans les tranchées. Débarqués sur les ports bordant l’Océan Atlantique ainsi que Marseille, les troupes traversent la France pour rejoindre les centres de formation, puis le front de la Meuse, Meurthe et Moselle… Bourges se trouve sur leur chemin et devient une place stratégique du point de vue logistique : des camps d’entraînement se montent dans la région comme à Saint Amand Montrond ou Gièvres. Aussi, l’armée américaine installe son centre administratif à Bourges, incluant le service postal.
De ce fait, une trentaine d’américains sont mentionnés dans les registres de décès : la quasi-totalité sont morts à l’hôpital américain n°68, rue Littré.
Initialement ils étaient inhumés au carré militaire du cimetière Saint Lazare (traces en septembre 1920)
Deux se trouvent encore dans le cimetière Saint Lazare de Bourges, pour le premier, sa stèle est située au milieu des concessions civiles, et se trouve appartenir au C.W.G.C., il s’agit en fait d’un anglais détaché au corps américain (voir photo dans le diaporama). Le second est un aviateur, Eugène Strengs, mort le 19 avril 1918, il se trouve dans le carré militaire (voir photos dans le diaporama). Cinq autres se trouvent aujourd’hui au Saint Mihiel Military Cemetery de Thiaucourt. Il est fort probable que l’ensemble ait été transféré à Thiaucourt puis rapatrié aux Etats Unis car ce cimetière ne contient plus aujourd’hui que 4153 soldats contre 15 000 après la guerre. (voir photos dans le diaporama) On retrouve la trace de certain d’entre eux dans les cimetières de leurs communes d’origine (voir fichier excel), Il y a une page très intéressante sur un autre ICI, très bien documentée, on y trouve même des photos des américains dans le Cher.
Durant la guerre, les américains ont eu 126 000 tués, 234 300 blessés et 4526 disparus.
Autres soldats alliés
L’étude permet également de retrouver les traces d’ententes ou autres rapprochement vers diverses nations :
A partir de 1917, des Russes et Polonais meurent dans les hôpitaux de Bourges (8 actes), ces soldats sont aujourd’hui inhumés dans le carré militaire du cimetière Saint Lazare (voir diaporama). En effet, plus de 20 000 soldats russes sont venus combattre en France. En 1917, les Russes ont été retirés du front, des mutineries ont eu lieu (La Courtine) et seuls des volontaires tsaristes se sont engagés dans la Légion pour continuer le combat, d’autres se sont engagés comme ouvriers, et les récalcitrants ont été envoyés en Algérie pour y travailler. Les Russes perdirent 8000 soldats en France.
On trouve également la trace d’un Tchèque : Karel Spalenka, inhumé aujourd’hui au carré militaire Nazdar de Neuville Saint Vaast, avec ses compatriotes tchèques.