Il y a quelques semaines, la Gendarmerie de Laventie contactait l’A.T.B.14-18 pour lui faire part d’une demande surprenante : l’aider à identifier le corps d’un soldat exhumé à Neuve-Chapelle par les autorités compétentes. Les seuls renseignements fournis par l’officier de Police Judiciaire sont des photos montrant des boutons d’uniforme et une broche en mauvais état. Après une attentive observation, il s’est avéré que ces boutons étaient semblables à ceux des vestes militaires britanniques : lion et licorne encadrant un blason (voir photo d’un bouton semblable provenant d’une collection privée). Quant à la broche, il s’agit d’un badge d’épaule portant les inscriptions 4.G qui, après enquête auprès des collectionneurs britanniques et dans la collection numérisée de l’Imperial War Museum, s’avère être celui du 4ème Gurkhas. Pour voir le modèle de badge cliquez sur ce lien : ICI
La dépouille pourrait donc être celle d’un soldat ayant appartenu au 4ème régiment de Gurkhas, dont le premier bataillon a participé aux combats de Neuve-Chapelle en 1914-1915. Si tel est le cas, son nom figure probablement sur le panneau des disparus de ce régiment, installé à l’intérieur du mémorial indien de Neuve-Chapelle. Ce mémorial recense les noms des soldats dont le corps d’a pu être retrouvé ou identifié après la guerre. Pour information, les combattants Gurkhas sont des soldats népalais enrôlés dans l’armée britannique et intégrés pendant la Grande Guerre au corps expéditionnaire de l’India Army.
Plus d’infos sur la procédure suivie lors de la découverte de soldats de la Grande Guerre :
Cliquez sur ce lien : ICI
Mais qui étaient ces soldats Gurkhas ?
Au 19ème siècle, l’expansion coloniale britannique en Inde, menée par l’East India Company, était à son paroxysme. Compagnie de commerce à charte créée par la royauté en 1600, l’E.I.C. menait une politique d’expansion et d’annexion. Son hégémonie la fit se heurter aux guerriers Gurkhas du Kumaun, région himalayenne, qui étaient les descendants d’hindous chassés d’Inde. Après deux années de combats, l’E.I.C. l’emporta et créa le Népal avec Katmandou pour capitale. Il fut conçu pour être un état-tampon entre les possessions britanniques en Inde et la Chine. Un accord permit à l’Armée Britannique en Inde de recruter en masse des mercenaires népalais. Des régiments de Gurkhas furent alors formés. Lors de la révolte des Cipayes en 1857, ils restèrent fidèles aux Britanniques et participèrent à la répression des régiments indiens rebelles. En 1914, il existait 11 bataillons Gurkhas intégrés à l’Armée Indienne. Certains d’entre eux embarquèrent pour la France et intégrèrent le Corps d’Armée Indien. En 1914, les Gurkhas étaient dotés d’un uniforme semblable à celui des Britanniques et coiffés d’un chapeau de brousse. Leur armement était moderne : fusil Lee Enfiel 303. La mémoire populaire conserve aussi le souvenir du fameux kukri. C’est un poignard qu’eux seuls portaient à la hanche droite. Il mesurait à cette époque 43 centimètres de long pour une lame légèrement recourbée de 33 centimètres. La poignée et le fourreau étaient en bois. Ce dernier était recouvert de cuir. A l’intérieur du fourreau, on trouvait un petit couteau et un outil à aiguiser. Le kukri fut à la fois une arme et un outil de survie puisqu’il permit de défricher, de creuser, de trancher et de planter des clous. Cette arme fascina les observateurs.
Un journaliste de Sur le Vif écrivit en 1915 que « les Gurkhas ne veulent pas se séparer de leur kukri, arme terrible avec laquelle ils tuent les Allemands (1)».
(1) Sur le Vif, n°14, 13 février 1915, page 16.