Venise est une ville particulière, constituée de nombreuses îles au milieu d’une lagune bordée par la Mer Adriatique. L’une d’elles, l’île Saint-Michel, est depuis Napoléon 1er le cimetière communal. Des personnages illustres tels que Stravinski y sont inhumés. Un carré aujourd’hui délaissé mais heureusement conservé est dédié au repos des militaires. Des soldats italiens, soldats de carrière ou combattants des deux guerres mondiales, y sont inhumés.
A leurs côtés, on trouve une rangée de 18 tombes surmontées de croix latines blanches. Il s’agit de soldats français, pour la plupart des marins, morts entre 1916 et 1919. C’est une importante surprise pour moi, président de l’A.T.B.14-18 et passionné par l’histoire de la Grande Guerre. L’observation des stèles m’interpelle puisque celles-ci ne ressemblent pas aux croix en béton habituellement utilisées dans les cimetières militaires français (voir le catalogue du Souvenir Français). Ensuite, la lecture des noms et des dates de décès (10 en 1916, 1 en 1917, 1 en 1918 et 6 en 1919) m’oblige à me poser de nombreuses questions : pourquoi des Français sont inhumés là ? Que s’est-il passé ? Durant mon séjour à Venise, aucune réponse.
A mon retour, j’interroge le site Mémoire des Hommes du Ministère de la Défense. Les découvertes s’enchaînent pour les hommes décédés entre 1916 et 1918, exceptés pour deux d’entre eux morts le 31 octobre 1916. Pour 1919, un seul nom est recensé dans la base de données. La recherche est incomplète. Dommage.
Les onze fiches « Mémoire des Hommes » disponibles racontent l’histoire de ces soldats et une partie de celle de Venise et de l’armée française pendant la guerre. Première grande information, l’historien apprend qu’un centre d’aviation maritime était basé à Venise et que des marins militaires français y étaient affectés en service commandé. Ce centre était probablement équipé d’hydravion. En effet, le premier défunt du carré militaire, mort le 19 août 1916 s’est noyé lors du remorquage d’un appareil de ce genre. Des bombes étaient stockées dans ce centre et l’une d’elle a accidentellement explosé le 31 octobre 1916, tuant huit hommes sur le coup et un neuvième des suites de ses blessures.
L’étude des fiches nous renseigne également sur les causes des décès. La plupart des hommes sont morts accidentellement, lors de l’explosion du 31 octobre 1916, d’un incident de vol le 12 octobre 1918 qui a coûté la vie à un maréchal des logis du 115ème régiment d’artillerie lourde, et lors du remorquage d’un hydravion. Deux hommes sont décédés des suites de maladie : la fièvre typhoïde pour un marin en 1917 et une maladie inconnue pour un soldat d’un escadron du Train, décédé à l’hôpital militaire de Venise en 1919.
La visite de cette nécropole « oubliée » fut très intéressante. Par ailleurs, elle motive deux actions pour le futur : lancer une recherche pour retrouver l’histoire des victimes inconnues par Mémoire des Hommes et les lui transmettre ; mobiliser les services compétents pour rafraîchir le carré militaire français.
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