Marquilly Désiré, 110ème RI, 16/04/1917 Ville au Bois (Aisne)
Extrait de l'historique du 110ème RI
Ceux ci ne vinrent prendre position que dans la nuit du 15 au 16 avril, qui devait précéder l'attaque.
Les trois bataillons étaient échelonnés en profondeur dans l'ordre suivant, chaque bataillon devant avoir deux compagnie en première ligne et une en reserve: 1er bataillon (commandant Perrot), ligne Oran-Nemours (1er, 3ème, 2ème); 2ème bataillon (commandant Paillot), parallèle route de Chevreux (6ème, 5ème, 7ème); 3ème bataillon (commandant Eliet), tranchée d'Anspach (9ème, 10ème, 11ème).
L'heure de l'attaque arrivée (6 heures), d'un seul élan les trois bataillons s'élancent: puis, sur la plaine, les compagnies se fractionnent en ligne d'escouades par un, comme à la man?uvre et franchissent lentement nos réseaux où les brèches sont trop étroites. Pendant les premières minutes, c'est un silence impressionnant que troublent seulement quelques éclatements de 77 et de 105. L'ennemi aurait il abandonné ses tranchées qu'on aperçoit devant soi; tranchée de la Plaine, d'Enver-Pacha et de l'Enclume?
Mais arrivés devant les fils de fer intacts qui les défendent, les premiers groupes sont fauchés par des mitrailleuses qui se dévoilent. Les avions boches, eux aussi, tiennent l'air et mitraillent les assaillants.
Moment angoissant! Faut-il déjà s'arrêter? La gauche (1ère compagnie et 1ère compagnie de mitrailleuses) est arrêtée; les hommes cherchent dans un trou d'obus un abri précaire, les vagues suivantes s'entassent dans les parallèles de départ. La droite, cependant (3ème compagnie), à 7h45 parvient par l'est du Bois en Bonnet Persan, à s'installer dans la tranchée d'Enver-Pacha et fait une cinquantaine de prisonniers.
Il n'est pas, dans l'histoire du 110ème d'heures plus douloureuses que celles qui suivent.
Cette journée du 16 avril qui, dès le début, dans ce secteur, apparaît comme un insuccès, est interminable. La rage d'avoir été cloué sur place, le sentiment d'impuissance devant ces fils de fer, la vue des divisions de droite et de gauche qui, plus heureuses avancent au-delà du bois des Buttes et occupent un moment Craonne torturent les c?urs autant que les tirs de barrage et les rafales de mitrailleuses. Lever la tête au-dessus de son trou d'obus ou de la parallèle où l'on est terré, c'est s'exposer à une mort presque certaine. Cependant, dédaigneux, indifférents aux balles et aux obus, le capitaine Maleste, le lieutenant Peuchot vont et viennent le ong des parapets, encourageant les hommes, attentifs à tous les mouvements de l'ennemi.
Mes batteries ennemies tonnent sans répit sur les hauteurs de Craonne.
En avant de la ferme du temple flambent les grands tanks immobilisés.
Ce régiment, qui s'était élancé, d'un seul bloc, pour rompre le front adverse, n'est plus qu'une poussière d'hommes éparpillés dans la plaine. La nuit suivante, les unités se regroupèrent, reprirent cohésion et pendant trois journées encore défendèrent âprement, leurs positions, appuyant les efforts du 27ème BCP, qui reprenait à son compte l'attaque sur la gauche.
L'insuccès ne décourage et n'abat que les faibles; les forts au contraire, se raidissent dans l'adversité, y puisent une raison de persévérer, sachant que la victoire n'est pas un cadeau du destin, mais le résultat de l'effort longtemps poursuivi.
Merci au site; http://cecile_meunier.club.fr/historiques/ pour la mise en ligne de cet historique