Carle Maurice, 109ème RI 23/10/1917
Extrait de l'historique du 109ème RI
Le 23 octobre, à 5 heures 15, heure H., les français qui depuis un quart d'heure trépignent d'impatience, bondissent en vont et traversent sans hésitation le violent tir de barrage que l'ennemi vient de déclencher; Les nègres qui malgré leur belle réputation, se montreront à tout moment très inférieur à nos héroïques petits fantassins, hésitent devant les obus, mais sont entraînés néanmoins par l'énergie de leur chef, le capitaine Maupi qui, déjà blessé, tombera quelque cent mètres plus loin, quand il sera atteint pour la troisième fois. En franchissant le parapet, le sous lieutenant Barchin, qui vient de recevoir ses galons e a renoncé à la moitié de sa permission pour prendre part à l'attaque, est écrasé par un obus. Des mitrailleuses ennemies se dévoilent et l'une d'elles, toute proche, fait des vides sérieux dans les rangs de la 3ème compagnie, mais le sergent Grondin, de sa voix tranquille et traînante dit « Attendez une minute, je vais aller la chercher »: Il saute de trou d'obus en trou d'obus, lance une grenade sur les mitrailleurs et bondissant en même temps en avant embroche tous les servants avec sa baïonnette, puis redresse et avec autant de calme qu'à la man?uvre, fait le geste en avant.
Arrêt d'une demi-heure à la route de Maubeuge, puis nouveau bond sous un feu violent de mitrailleuses, qui cause de lourdes pertes, mais ne peut arrêter de pareils fantassins.
Le sous lieutenant Duclos, blessé, refuse de quitter sa pièce et continue sa progression jusqu'à ce qu'il tombe épuisé. Le sous lieutenant Rebillet a la cuisse traversée par une balle; s'appuyant sur l'épaule d'un sergent, il peut néanmoins gagner, à la tête de sa section, la tranchée de la Loutre et ne consentira à se laisser emporter par les brancardiers que quand il aura terminé l'organisation de la position; il est déposé dans un P.S. Avancé, mauvais abri boche encombré de blessé; le médecin veut le faire transporter immédiatement à l'arrière où il sera mieux soigné et pourra se reposer; « non, déclare-t-il, seulement quand tous les soldats blessés auront été évacués », et il restera là jusqu'au soir. Les hommes surent être dignes de tels chefs: ils mourraient en disant « je suis content, c'est pour la France et on les a » Le soldat Fauvel, blessé, déclare: « c'est trop beau, je veux rester ici », et il refuse de se rendre au P.S.; il simulera pendant toute la tournée une activité au-dessus des forces qui lui restent pour prouver qu'il peut faire son devoir et empêcher son capitaine de l'évacuer.
A l'heure dite, le premier objectif, tranchée de la Loutre, avait été atteint et il fallu que les commandants de compagnies usent de toute leur autorité pour arrêter leurs hommes et les empêcher, en dépit du barrage français qui nous couvrait, de continuer la poursuite et d 'aller s'emparer d'une batterie qui, à moins de 200 mètres à la lisière du bois, lançait sur nous en tir rapide ses derniers obus. On s'organise et quand le chef de bataillon vient inspecter la position, les hommes des trois compagnies lui demandent des croix pour leurs capitaines dont ils ont admiré l'héroïque conduite. Pendant ce temps là, les nettoyeurs de tranchées expédient vers l'arrière de nombreux prisonniers.
A 9 heures 10, le 2ème bataillon s'avance dans un ordre parfait, franchissant la ligne sans même avoir l'air de douter que les mitrailleuses tapent avec rage, aborde à vive allure la lisère du bois de la belle croix, s'engouffre à l'intérieur. Quelques minutes plus tard, l'on voit sortir du bois et refluer vers l'arrière des colonnes denses: est-ce un échec et une panique? Non, ce sont les boches qui courent en criant: « camarade! Camarade! » La encore il faudra l'énergie des chefs pour arrêter au point fixé par le haut commandement nos petits fantassins qui courent après les fuyards et leur coupent la retraite, et tentent de rattraper les batteries détalant à plein galop. La percée est faite, la déroute de l'ennemi est complète; malheureusement, nos généraux qui voient non pas seulement le petit secteur du 109, mais l'ensemble de la bataille, ont leurs raisons pour ne pas nous permettre d'exploiter immédiatement notre succès.
Merci au site; http://cecile_meunier.club.fr/historiques/ pour la mise en ligne de cet historique